Diversité et inclusion, tels étaient les mots d’ordre de la matinée qui a réuni l’ensemble des acteurs du monde du handicap (MDHP, Cap Emploi 36, APAJH, ADAPEI, la Maison des Oiseaux, l’association Vivre et travailler autrement…) le 10 février dernier, dans les locaux de la boulangerie industrielle Barilla-Harry’s à Montierchaume. La Préfecture de l'Indre avait tenu à célébrer de façon formelle et utile le 18e anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, en proposant une table ronde sur l’inclusion progressive des personnes en situation de handicap, même les plus compliqués à intégrer comme les différentes formes d’autisme.
La table ronde proprement dite a été précédée d’une visite du site au cours de laquelle les participants ont pu constater que tout est pourtant possible lorsqu’ils sont passés à côté de la salle où travaille Alexandre Bonnin, jeune homme de 25 ans atteint de ce trouble qui l’empêche de communiquer autrement que par gestes ou par pictogrammes avec son entourage. Ce recrutement qui est effectif depuis la rentrée 2022 pour un poste en CDD à mi-temps (cinq matinées par semaine) au sein du service Hygiène (nettoyage des poches de pré-fermentation), est une première dans l’Indre.
C'est le résultat d'une collaboration entamée depuis près d'un an entre l’entreprise emblématique de la Malterie, l’association Vivre et travailler autrement (VETA) et la MAS (Maison d’accueil spécialisé) Maison des oiseaux d’Ardentes dont est issue cette nouvelle recrue.
Son chef d’équipe, Alexandre Pipereau, fait preuve d’un bel enthousiasme lorsqu’il parle de ce nouvel élément toujours assisté d’un ou d’une accompagnant.e qui s’assure de son bien-être. « On se posait beaucoup de questions à son arrivée. Mais Alexandre s’est très bien adapté, plus rapidement même que ce que l’on pensait. Il a changé dès son premier mois chez nous. Le matin, on le voit arriver avec le sourire, alors qu’on nous a dit qu’il n’avait jamais d’expression avant. C’est très plaisant et très gratifiant pour toute l’équipe », explique-t-il.
Cette démarche, impulsée par la direction, a nécessité quelques aménagements comme « l'agencement du poste en partant de zéro », selon Jean-Yves Richard, responsable ressources humaines du site. « Il a fallu que l’on organise les différentes étapes (lavage, rinçage, séchage et rangement) de gauche à droite, pour installer une routine sécurisante, dans une salle où Alexandre est seul (mais toujours veillé par un accompagnant), afin qu’il ne soit pas perturbé par le bruit ou une trop forte luminosité. » Ce poste, auparavant tenu ponctuellement par des intérimaires avait été minutieusement identifié par la direction de Barilla-Harry’s et VETA à l’issue d’une analyse préalable de ceux pouvant être ouverts à des personnes atteintes de troubles autistiques.
« Nous avions déjà mis en place des actions pour nos salariés permanents reconnus comme travailleurs handicapés (une trentaine, ndlr), mais c’est le recrutement dans le cadre de l’inclusion de deux salariés par l’association Pas à Pas de Mme Chènevière qui nous a mis en lien avec l’association VETA. Cette dernière nous a invités à venir visiter l’usine Andros à côté de Chartres qui emploie déjà une dizaine de personnes autistes. Aujourd’hui, Alexandre est un salarié à part entière, à l’égal des autres. Nous sommes très satisfaits d’avoir entamé cette démarche », précise Jean-Yves Richard, qui évoque une réflexion sur l’ouverture d’un deuxième poste dans un autre secteur de l’entreprise (en production) pour un ou une salarié.e.
Au total, Barilla-Harry’s envisage d’atteindre six emplois réservés à terme. « Bien sûr, dans le monde de l’industrie, on est toujours pressés que les choses se fassent. Ce genre de projet est difficilement insérable dans un planning bien défini. L’intégration nous a demandé du temps, notamment en amont pour préparer la venue d’Alexandre, avec deux sessions de sensibilisation à ce trouble, un pour la direction, un autre pour les équipes, afin d’enlever les préjugés et d’apprendre à communiquer avec lui. Le résultat est là et on en est fiers. » Il se dit même que le contrat d’Alexandre pourrait se transformer prochainement en un CDI, ce qu’attend avec impatience la directrice technique de l’association Vivre et travailler autrement, Marylin Causse.
Pour Stéphane Bredin, préfet de l’Indre, cette première étape est encourageante et signe d’un monde qui change, mais le chemin est encore long pour que l’égalité des chances soit complète. « On se rend bien compte de tous les progrès accomplis depuis la promulgation de la loi « handicap » le 11 février 2005, et surtout depuis cinq ou six ans. Aujourd’hui, le taux d’enfants autistes scolarisés atteint plus de 30 %, et le taux de chômage des personnes en situation de handicap a baissé 6 %. Cela prouve que les choses évoluent dans le bon sens. Néanmoins, il reste des marges de progrès considérables et un gros travail de conscientisation est encore à mener. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap reste le double de la moyenne de la population active. C’est pourquoi je crois à la vertu des bons exemples tels que celui présenté par Barilla-Harry’s. »
Pour en savoir plus ou vous lancer dans cette démarche d'inclusion, contactez la MDPH 36, l’association VETA ou Cap Emploi 36.