Lorsque l’on demande à Clothilde Gonnot ce qui l’a poussée à ouvrir une boutique entièrement dédiée au manga, la réponse ne tarde pas : « Pour se lancer dans cette aventure, il faut être passionnée de manga. » La jeune femme explique avoir commencé à s’intéresser à ce style de bandes dessinées alors qu’elle étudiait au collège d’Ardentes où la documentaliste avait eu l’idée de mettre quelques exemplaires de ces bandes dessinées à disposition des élèves. Clothilde y a notamment emprunté les séries Fairy Tail ou Deathnote, sans savoir alors que cela déclencherait une passion « devenue dévorante au fil des années ».
À la sortie de ses études, c’est vers le commerce que la jeune femme se tourne. Alors qu’elle travaillait comme vendeuse dans une boulangerie, l’irruption de la crise sanitaire couplée à une relation conflictuelle avec sa patronne lui a servi de déclic. « Cela faisait un petit moment que je pensais à ouvrir une boutique, pour être ma propre patronne, mais plutôt dans l’alimentation en circuit court, genre magasin de producteurs. Mais ce projet ne me passionnait pas autant que le manga. J’ai constaté que les Français étaient les deuxièmes plus grands lecteurs de mangas au monde après les Japonais et qu’il y avait peut-être quelque chose à faire dans ce domaine à Châteauroux, où les librairies existantes proposent avant tout des produits « grand public » », raconte-t-elle. « La Covid aura vraiment été un bon déclic, parce que je n’aurais sans doute pas osé ma lancer aussi tôt sans cela. Il faut dire aussi que les plateformes de streaming qui ont passé pas mal de mangas pendant les confinements ont sûrement amplifié la demande dans ce domaine. »
Une offre inédite à Châteauroux
Après avoir consulté le site gouvernemental Mon compte formation, Clothilde s’est rapprochée du service Entreprendre de la CCI pour entamer un stage 5 jours pour entreprendre courant 2021. Un passage obligé qui lui a permis d’en savoir plus sur la tenue d’une comptabilité, la création d’un business plan ou la bonne communication à adopter quand on se lance… Forte de ces enseignements, la jeune femme s’est alors attelée à trouver un local à Châteauroux, une quête ardue qu’elle a failli abandonner pour monter son projet dans une autre grande ville quand une opportunité s’est fait jour fin 2022 rue Bertrand. « Un immeuble avec une cellule commerciale était alors en vente. Mes parents qui souhaitaient investir se sont positionnés dessus et ont pu acquérir ce bien où j’ai pu ouvrir mon magasin après quelques mois de travaux », explique-t-elle.
Le Paradis du Manga a donc fini par ouvrir ses portes le 21 juin dernier, pour le plus grand bonheur d’un public très varié. Dans les rayonnages de ce magasin de 75 m² de surface de vente, plus de 7 000 références de bandes dessinées sont alignées. Avec un réassort régulier (deux fois par mois), les étagères ne manquent de rien. Tous les styles sont représentés, du manga pour enfant au Seinen (BD aux scénarii plus noirs et psychologiques destinée aux adultes), en passant par le Shojo (BD pour jeunes filles) et le Shonen (BD pour jeunes garçons) et les Boys Love (mangas romantiques).
Les grands succès du moment (Naruto, One Piece, Spy family, Jujutsu Kaisen, Chainsaw Man…) y côtoient des séries plus anciennes (Pokemon, Saint-Seya / Les Chevaliers du Zodiaque…) ou moins connues du grand public que la néo-entrepreneuse aime à faire découvrir. On retrouve également des produits dérivés en tous genres : posters, cartes à collectionner, mugs, porte-clés, jeux de société, figurines en PVC (moins chères que les figures en résine)… De quoi combler petits et grands, de tous âges et quel que soit leur budget.
Une boutique pleine de souvenirs et de pépites
Si les passionnés du genre, les Otakus, franchissent sans hésiter le seuil du magasin et savent déjà ce qu’ils viennent y chercher, Clothilde assure évidemment le conseil des non-initiés. « J’ai eu la visite dernièrement d’une petite dame de 70 ans qui voulait absolument lire un manga pour la première fois. Je l’ai aiguillée vers un livre qui pouvait correspondre à ce qu’elle souhaitait », sourit la jeune commerçante qui croit vraiment dans la poursuite de ce phénomène qui a déferlé sur l’Europe à la suite de Goldorak (Grendizer en VO) et autres Albator (Captain Harlock au Japon) dans les années 80. « Les cinquantenaires et les quarantenaires ont grandi avec les mangas, leurs enfants aussi et maintenant les plus jeunes générations avec de nouvelles pépites du genre. Ma sœur de quinze ans est fan, mon petit cousin qui a cinq ans commence à s’y intéresser aussi. Avec tous les webtoons (productions mangas pour publication sur des applications en ligne, ndlr) qui sortent en livres, c’est un genre qui a encore de belles années devant lui », conclut celle qui envisage à l’avenir de créer un café manga à Châteauroux. Histoire de faire du « dessin dérisoire » (traduction littérale du mot manga, ndlr) un sujet incontournable dans le paysage indrien !